Le Tribunal constitutionnel? Parce qu’il est largement mis au pas par le parti Droit et Justice (PiS), elle le juge illégitime – tout comme la majorité des 430.000 personnes, selon la police, qui ont manifesté mercredi dernier, décrété jour de grève par la «grève nationale des femmes».
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«Nous ne sommes pas là uniquement en tant que femmes luttant pour nos droits, mais aussi pour défendre la liberté, la démocratie», dit Monika. Et pour elle, le ras-le-bol qui s’exhibe dans les rues du pays ne prendra fin que le jour où le parti au pouvoir démissionnera. À défaut, les conséquences pourraient être funestes: «tôt ou tard, il y aura du sang versé», craint-elle, en faisant référence au meurtre du maire libéral de Gdansk, Pawel Adamowicz, en janvier 2019, par un déséquilibré sans doute influencé par la rhétorique hostile de la télévision publique à l’égard de l’édile.
Monika ne croit pas si bien dire. Alors qu’elle se fond dans le cortège, une salve de fumigènes rouges et de pétards assourdissants sème la peur et disperse momentanément la foule. Plusieurs dizaines d’hommes vêtus de noir et encagoulés menacent. La presse avait rapporté, plus tôt dans la journée, que 10.000 proches des mouvances hooligans et nationalistes s’apprêtaient à perturber le rassemblement. D’autres échauffourées feront quelques blessés et 37 arrestations émailleront les débuts la soirée.
Chute de popularité du PiSSelon la mairie de Varsovie, 100.000 personnes ont défilé pacifiquement en direction de la résidence de Jaroslaw Kaczynski. Le leader du PiS et, depuis peu, vice-président du gouvernement, n’a sans doute pas dormi beaucoup chez lui la semaine passée alors que l’ire populaire s’exprimait sous ses fenêtres.
Mardi, dans une allocution diffusée sur Facebook, il n’a pas mâché ses mots à l’encontre de ces manifestants «nihilistes» qu’il accuse de «détruire la Pologne», appelant ses concitoyens à réagir en défendant les églises. Mais d’autres dirigeants polonais, face à l’ampleur des manifestations, ont amorcé un début de recul. Il faut dire que leur chute de popularité est vertigineuse: dans un sondage réalisé pour Gazeta Wyborcza, le PiS au pouvoir est estimé à 26 %, perdant plus de 12 % de sa cote moyenne en octobre.
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Alors que l’arrêt controversé n’a toujours pas été publié au Journal officiel, le président de la République, Andrzej Duda, «figure modérée» du parti majoritaire, a déclaré avoir entendu les craintes des Polonaises. Alors qu’il avait salué quelques jours plus tôt l’arrêt du Tribunal, il s’est résolu à déposer un projet de loi qui réintroduirait la possibilité d’avorter en cas de fœtus non viable, sans pour autant autoriser l’IVG pour d’autres handicaps – telle la trisomie 21.
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L’initiative a été saluée par le premier ministre Mateusz Morawiecki. Mais il n’est pas question, pour Barbara Gorecka, d’accepter un tel compromis. Cette manifestante de 31 ans réclame le droit à l’avortement en toutes circonstances. Si sa voix reste encore relativement marginale – ils ne seraient que 22 % à soutenir la libéralisation de l’avortement en Pologne – une minorité de Polonais semble favorable à l’arrêt du Tribunal constitutionnel.