L’opposition, qui a boycotté le scrutin de samedi, a « constaté » dimanche la « fin du mandat » du président Alassane Ouattara.L’ambiance restait tendue, dimanche 1er novembre, en Côte d’Ivoire, au lendemain d’une élection présidentielle boycottée par l’opposition et marquée par des heurts. Dans l’après-midi, les Ivoiriens attendaient toujours les résultats officiels et le taux de participation.
L’opposition a pour sa part « constaté » dimanche la « fin du mandat » du président Alassane Ouattara, lors d’une déclaration à la presse de Pascal Affi N’Guessan au nom de toute l’opposition. Les partis de l’opposition « appellent à l’ouverture d’une transition civile afin de créer les conditions d’une élection présidentielle juste, transparente et inclusive », a affirmé l’ex-premier ministre, qui faisait partie des quatre candidats à la présidentielle.
Le bilan total des violences, qui ont été nombreuses dans la moitié sud du pays, n’était pas connu dans l’immédiat. De source sécuritaire, il y a au moins deux morts, « un à Oumé [260 km au nord-ouest d’Abidjan] et au moins un à Tiébissou [Centre] ». Le maire de Tiébissou, Germain N’Dri Koffi, a quant à lui fait état de « quatre morts et vingt-sept blessés » dans sa commune. Quelque 35 000 membres des forces de l’ordre avaient été déployés dans le pays.
Une trentaine de personnes sont mortes dans des violences depuis l’annonce en août de la candidature du président Alassane Ouattara à un troisième mandat que l’opposition juge « anticonstitutionnel ». M. Ouattara, 78 ans, qui devrait s’imposer dès le premier tour en raison du boycott du scrutin par l’opposition, a appelé au calme samedi. « J’en appelle à ceux qui ont lancé un mot d’ordre de désobéissance civile qui a conduit à des morts d’hommes : qu’ils arrêtent ! La Côte d’Ivoire a besoin de paix. Ce sont des actes criminels », a-t-il dit.
Le dépouillement était terminé dimanche matin dans la plupart des bureaux et les résultats étaient en train d’être acheminés vers la Commission électorale indépendante (CEI), qui a cinq jours pour annoncer les résultats. Sans surprise, les chiffres provenant du Nord, traditionnellement favorable à Ouattara, lui donnent une victoire écrasante avec une forte participation, alors que dans les zones de l’opposition de nombreux bureaux ont été saccagés ou n’ont tout simplement pas ouvert.
Ainsi, dans le bureau de vote 3 du groupe scolaire Korhogo-Est (Nord), le dépouillement donne 405 votants sur 408 inscrits, avec 402 bulletins favorables à Ouattara et trois nuls, soit un score… de 99,26 % de participation et de 100 % des voix pour le président sortant, a constaté un journaliste de l’Agence France-Presse (AFP).
« Le peuple a réussi à faire échec à cette élection »
La situation est tout autre dans le Sud. A Daoukro (Centre-Est), fief de l’opposant et ancien président Henri Konan Bédié, aucun électeur n’a pu voter et les barrages érigés la veille étaient encore en place dimanche, ont constaté des journalistes de l’AFP. C’était le cas dans de nombreuses autres villes du pays, selon des habitants.
Un des principaux responsables du parti au pouvoir, Adama Bictogo, a néanmoins estimé que « le 31 octobre n’a pas été une journée de déluge, comme l’avait prédit l’opposition ». « Ce coup d’Etat électoral a été un échec. Le peuple ivoirien a réussi à faire échec à cette élection », a lancé, de son côté, le porte-parole de l’opposition Pascal Affi N’Guessan, parlant de « deuil national ». Selon plusieurs de ses membres, l’opposition, qui a donné rendez-vous à la presse dimanche, prépare un « gouvernement de transition ». L’ancien chef rebelle et ex-premier ministre Guillaume Soro a ainsi, depuis son exil européen, affirmé ne plus reconnaître le président Ouattara, appelant à « œuvrer » à son départ.
Cette tension dans le pays fait craindre une nouvelle crise dans une région éprouvée par des attaques djihadistes incessantes au Sahel, par un putsch au Mali, une élection contestée en Guinée et une contestation politique chez le géant voisin nigérian. Des milliers d’Ivoiriens avaient quitté les grandes villes pour « aller au village », anticipant des troubles, dix ans après la crise qui avait suivi la présidentielle de 2010, faisant 3 000 morts, à la suite du refus du président Laurent Gbagbo, qui était au pouvoir depuis 2000, de reconnaître sa défaite face à Alassane Ouattara.
Sources: Le Monde