Politique

Une «guerre civile» imminente en France ? 5 minutes pour comprendre la tribune d’ex-militaires

Une «guerre civile» imminente en France ? 5 minutes pour comprendre la tribune d’ex-militaires

Dans une lettre ouverte publiée la semaine dernière, des militaires enjoignent « ceux qui dirigent notre pays » à « appliquer sans faiblesse des lois qui existent déjà » afin d’éviter une « guerre civile ». On fait le point.

La grande muette, ou plutôt certains de ses anciens membres, sortent du silence. Dans une tribune publiée dans l’hebdomadaire « Valeurs actuelles » mercredi intitulée « pour un retour de l’honneur de nos gouvernants », des militaires pour la plupart retraités ou radiés demandent aux dirigeants français d’agir face à la menace d’une « guerre civile ». Dénonçant les « silences coupables » du gouvernement, ils insinuent que des militaires actifs pourraient être tentés de prendre les armes afin de remédier à ce « délitement » de la société.

Qui sont les signataires de cette tribune ?

Selon « Valeurs actuelles », ils sont plus d’un millier de militaires – « une vingtaine de généraux », « une centaine de hauts gradés », « plus d’un millier d’autres militaires » à avoir signé la tribune. Sur le haut de la pile figure notamment le nom du général Christian Piquemal, radié des cadres de l’armée en 2016 pour avoir organisé une manifestation anti-migrants quelques mois plus tôt à Calais, malgré une interdiction préfectorale.

La liste complète des signataires n’est pas diffusée par l’hebdomadaire, mais elle est consultable sur le blog Place d’Armes, « ouvert à tous les militaires à la retraite, d’active, et de réserve qui aiment la France et réalisent que celle-ci est au bord du gouffre ». Ce site est le bébé de Jean-Pierre Fabre-Bernadac, ancien commandant de gendarmerie, à l’origine de la tribune.

Au total, la liste compte plus de 1200 signatures. Quant à savoir si elles sont celles de militaires retraités ou si ont signé des membres de « l’active » – des militaires actuellement en poste – impossible à déterminer pour l’heure. « On est en train de regarder », glisse une source dans l’entourage du ministère des Armées. Car de nouveaux noms se sont progressivement ajoutés à la liste initiale.

Reste à vérifier parmi ces nouveaux noms l’existence d’homonymes, ou encore à s’assurer que lesdits signataires figurent bien là parce qu’ils l’ont choisi. La vérification devrait prendre un peu de temps. « Pour l’instant, ça a l’air d’être le cas », relativise-t-on dans l’entourage de la ministre Florence Parly. Si des militaires de l’active ont signé la tribune, une enquête interne sera systématiquement ouverte.

Que dit la lettre ?

Dans un texte dépeignant une « France en péril », les signataires dénoncent un « délitement qui frappe notre patrie », à travers « un certain antiracisme » qui viserait selon eux à « créer sur notre sol un mal-être, voire une haine entre les communautés ». Pointant « l’islamisme et les hordes de banlieue », ils appellent les dirigeants français à « trouver le courage nécessaire à l’éradication de ces dangers » en appliquant « sans faiblesse des lois qui existent déjà ». « Comme nous, une grande majorité de nos concitoyens est excédée par vos louvoiements et vos silences coupables », dit-elle.

Quelles répercussions ?

Dénonçant « une insulte qui est jetée à la figure de milliers de militaires », la ministre des Armées Florence Parly a promis ce lundi sur France Info qu’en cas de découverte de militaires en exercice dans la liste des signataires, « des sanctions tomberont », confirmant l’information donnée au Parisien selon laquelle « le recensement » de ces potentiels aspirants-putschistes « est en cours ». Un discours qui tranche avec son tweet de la veille, qui dénonçait « une tribune irresponsable », « uniquement signée par des militaires à la retraite, qui n’ont plus aucune fonction dans nos armées et ne représentent qu’eux-mêmes ».

Ce lundi, la ministre déléguée chargée de l’Industrie, Agnès Pannier-Runacher, a quant à elle évoqué sur Franceinfo « un quarteron de généraux en charentaises » auquel il ne faudrait pas donner davantage d’importance. « Il faut simplement condamner sans réserve et passer à autre chose », estime-t-elle.

Dans l’opposition, la présidente du Rassemblement national Marine Le Pen n’a pas attendu dimanche pour s’émouvoir de la tribune, dans un tout autre ton. « Je vous invite à vous joindre à notre action pour prendre part à la bataille qui s’ouvre […] qui est avant tout la bataille de la France », a-t-elle répondu aux signataires, dans « VA » là encore, deux jours après la publication.

« Comme citoyenne et comme femme politique, je souscris à vos analyses et partage votre affliction », a-t-elle ajouté. Cela tombe bien, les signataires se disent dans la tribune « disposés à soutenir les politiques qui prendront en considération la sauvegarde de la nation ».

Menace de coup d’Etat ou coup d’épée dans l’eau ?

L’hypothèse d’un coup d’Etat est quant à elle à peine dissimulée. « Si rien n’est entrepris, le laxisme continuera à se répandre inexorablement dans la société, provoquant au final une explosion et l’intervention de nos camarades d’active dans une mission périlleuse de protection de nos valeurs civilisationnelles et de sauvegarde de nos compatriotes sur le territoire national », font savoir les militaires retraités.

En l’état, difficile de savoir si cette tribune dépasse le cadre des « militaires en charentaises » dépeint par la majorité ou si elle peut disposer de relais au sein de militaires en activité.

Ce qui est sûr, c’est la tribune interpelle d’abord par son caractère inédit, pour des hommes habitués au silence et au devoir de réserve. « Cette prise de position est sans précédent sous la Ve République puisqu’elle ne touche en rien les affaires militaires et le budget de la défense », commente Antoine Vauchez, directeur de recherche en sociologie politique au CNRS.

Texte: Le Parisien

Publié le 02 MAI 2021

 

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