Attaque au couteau à Rambouillet : ce que l’on sait de l’enquête
Le Parquet national antiterroriste s’est saisi de l’enquête après la mort d’une policière, vendredi. Trois proches de l’assaillant sont en garde à vue.
À minuit, l’enquête sur l’assassinat d’une fonctionnaire de police, poignardée par un Tunisien qui a ensuite été abattu, dans le commissariat de Rambouillet près de Paris, faisait état de trois personnes placées en garde à vue et deux perquisitions en cours. Les trois personnes interrogées par les enquêteurs appartiennent à l’entourage de l’assaillant, Jamel G., 36 ans, a indiqué à l’Agence France Presse une source judiciaire.
Selon des sources proches de l’enquête, une personne ayant accueilli l’assaillant à son arrivée en France en 2009 figure parmi les gardés à vue. Le domicile de cette personne, situé dans le Val-de-Marne, a été perquisitionné dès vendredi en fin d’après-midi, tout comme le logement de Jamel G., situé à Rambouillet.
Peu après 14h, un homme a tué à coups de couteau une fonctionnaire de police au commissariat de Rambouillet, dans les Yvelines, avant d’être interpellé et blessé par balles par d’autres agents, a indiqué le parquet de Versailles et une source policière à l’Agence France-Presse. L’assaillant a été touché par les tirs d’un seul policier, d’après une source policière. En arrêt cardio-respiratoire, il est décédé. Des témoins ont rapporté que l’assaillant aurait crié « Allah Akbar », selon une source proche de l’enquête.
Les enquêteurs veulent cerner le profil de l’assaillant
L’assaillant était un ressortissant tunisien de 36 ans, originaire de la région de Sousse, dans l’est de la Tunisie. Il était inconnu des services de police et des renseignements territoriaux et se trouvait en situation régulière. Il avait bénéficié en 2019 d’une autorisation exceptionnelle de séjour salarié, puis d’une carte de séjour en décembre 2020, valable jusqu’en décembre 2021. Il avait emménagé en décembre 2015 à Rambouillet. Selon un proche de sa famille en Tunisie interrogé par l’Agence France Presse, il habitait chez sa tante et avait au moins deux frères, dont un jumeau.
D’après le procureur, cet habitant de Rambouillet aurait effectué des repérages en amont de son passage à l’acte. « Une évaluation est en cours par la Sdat (Sous-direction antiterroriste) », a indiqué à l’Agence France Presse le Parquet national antiterroriste (Pnat). Sur sa page Facebook, ses posts publics sont quasiment exclusivement consacrés à la défense de la communauté musulmane, la lutte contre l’islamophobie ou les propos du polémiste Éric Zemmour, jusuq’en 2020. Mais à partir d’avril 2020, au moment du confinement, il ne publie plus que de pieuses prières et des versets coraniques. Quelques jours après l’assassinat du professeur Samuel Paty par un islamiste en octobre 2020, il change sa photo de profil et rejoint une campagne intitulée « Respectez Mohamed prophète de Dieu ».
Un ancien voisin, interrogé par l’Agence France Presse, qui ne l’avait plus vu depuis deux ou trois ans, l’a décrit comme un musulman « pas pratiquant ». Célibataire, il vivait seul et travaillait dans le bâtiment, selon lui. Les enquêteurs de la Direction centrale de la police judiciaire (DCPJ) et de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), chargés des investigations, vont multiplier les auditions parmi ses relations, connaissances, collègues ou sa famille pour cerner son profil.
Macron réagit, Castex s’est rendu sur place
Nous ne céderons rien face « au terrorisme islamiste », a déclaré le président Emmanuel Macron sur Twitter, après cette attaque qui a visé une agente administrative travaillant au commissariat de cette ville de près de 26.000 habitants, située à une soixantaine de kilomètres au sud-ouest de Paris. Mère de deux filles, âgées de 18 et 13 ans, cette agente du secrétariat du commissariat rentrait de sa pause déjeuner quand l’assaillant lui a porté deux coups de couteau à la gorge. Elle travaillait à Rambouillet depuis 28 ans.
Elle était policière. Stéphanie a été tuée dans son commissariat de Rambouillet, sur les terres déjà meurtries des Yvelines. La Nation est aux côtés de sa famille, de ses collègues et des forces de l’ordre. Du combat engagé contre le terrorisme islamiste, nous ne céderons rien.
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) April 23, 2021
Jean Castex, Premier ministre, mais également Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, et Valérie Pécresse, présidente de la région Île-de-France, se sont rendus dans ce commissariat pour dénoncer cet acte meurtrier. En réaction, le locataire de la Place Beauvau a annoncé que la sécurité serait renforcée devant les commissariats et gendarmeries. Le parquet national antiterroriste (Pnat) a annoncé s’être saisi de l’enquête, alors que la France a été marquée ces dernières années par plusieurs attaques à l’arme blanche, notamment contre les forces de l’ordre.
« Un drame pour la police nationale »
Le département des Yvelines a été lourdement endeuillé, avec la mort des deux policiers à Magnanville, en juin 2016, puis l’assassinat du professeur Samuel Paty, en pleine rue à Conflans-Sainte-Honorine, en octobre 2020. « Tous les services d’enquête sont sur place », a réagi François Bersani, secrétaire départemental du syndicat Unité-SGP Yvelines, qui évoque « un drame pour la police nationale ». Pour l’heure, on ignore s’il s’agit ou non d’une attaque à caractère terroriste.
« C’est hélas en Yvelines, encore, et à Rambouillet, ville paisible et fraternelle, que l’horreur nous atteint », a affirmé le président du conseil départemental Pierre Bédier, dans un communiqué. La maire Véronique Matillon a tenu à préciser à l’Agence France Presse que Rambouillet était une ville « tranquille, quasi provinciale ». « Cela veut dire que ce genre d’attaque peut se produire partout », a-t-elle dit. Le délégué départemental du syndicat Unité SGP Police des Yvelines, François Bersani, a appelé à « sécuriser les commissariats ». « Même les plus petits commissariats peuvent être à tout moment une cible », a ajouté François Bersani, en rappelant qu’à Rambouillet, il y a « des personnels administratifs qui font seuls l’accueil, sans arme ».
Depuis 2015, une vague d’attentats jihadistes a fait plus de 260 morts en France. Plusieurs de ces attaques ont été perpétrées à l’arme blanche et en ciblant les forces de l’ordre, conformément aux mots d’ordre récurrents du groupe jihadiste État islamique. La dernière attaque meurtrière des forces de l’ordre en France remonte au 3 octobre 2019, quand, dans l’enceinte de la préfecture de police de Paris, un employé avait tué à coups de couteau trois policiers et un agent administratif, avant d’être abattu.